Le Journal de Thomas Jill Wiernon

Le Journal de Thomas Jill Wiernon

Miss Doudou et moi (I)

Miss Doudou et moi (I) by Thomas Jill Wiernon is licensed under CC BY-NC-ND 4.0

 

Peu à peu, insensiblement, les interactions entre Miss Doudou et moi se multiplient, se prolongent et s'intensifient. Cela m'enchante. Lorsque je songe au tout premier jour, quand par un temps d'orage Amélie, sa bonne fée, me confia l'animal famélique, inquiet et désorienté, je mesure pleinement les progrès fragiles mais réels accomplis depuis cette date.

 

Je ne suis pas un comportementaliste, un expert en chats de tous poils, ce d'autant plus que je n'ai jamais eu l'expérience que d'un seul d'entre eux : ma regrettée Nutty. Trait que je partage avec la grande majorité de mes lecteurs, je présume, je suis simplement épris de cette créature voluptueuse, fantasque, insaissable parce que mystérieuse en son essence. Conscient donc de mes lacunes sur la nature féline, j'accueillai un nouvel hôte sous mon toit voici bientôt deux semaines, avec pour objectif, dans un premier temps, d'interférer à bon escient avec lui - c'est à dire le moins possible ! Surtout, je veillai scrupuleusement à ne pas attendre qu'il se comportât à l'instar de ma vieille amie disparue.
C'est ainsi que, au soir d'un 5 juin marqué par de fortes chutes de pluie, il échoua sur mon futon une adorable mais chétive petite femelle frôlant, à vue de nez, les deux kilos - toute mouillée ! Tout en me la remettant, Amélie m'avait raconté que l'animal rôdait autour de sa maison, au bas mot depuis deux ou trois jours, sans qu'elle parvint à la capturer. Puis, le samedi venu, les précipitations, entre autres, forcèrent l'animal à délibérément se rapprocher afin qu'on le recueillît ! L'instinct des chats est leur astrolabe : celle que j'appelle désormais Miss Doudou ne pouvait pas mieux tomber en se présentant sous les fenêtres d'Amélie. Prétendre que cette jeune femme sémillante aime profondément les animaux, c'est encore être très loin de la vérité, je vous l'assure ! Aussi, suis-je rétrospectivement convaincu que c'est bien à dessein que le félin se précipita sous les ailes de son ange gardien, après l'avoir soigneusement observé et jugé, la veille et l'avant-veille. Pour étayer mes propos, j'évoquerai volontiers cette brève scène infiniment touchante survenue dans la voiture d'Amélie, lorsqu'elle et moi nous transférâmes Miss Doudou d'un sac de transport à l'autre. La chatte nous prenant de court bondit hors de sa première geôle pour se blottir dans les bras de mon interlocutrice. Aussitôt, le cou se détendant tel un ressort, elle gratifia sa protectrice d'un grand coup de tête affectueux. Sur l'instant, je l'avoue, face à un tel geste de reconnaissance, j'éprouvai de forts scrupules à recueillir l'animal, ce bien qu'Amélie m'eût précisé que, pour des raisons nombreuses et légitimes, elle était dans l'incapacité de l'héberger. En conséquence, c'est avec un petit pincement au coeur que nous contraignîmes Miss Doudou à entrer dans mon propre sac de transport. Cinq minutes plus tard, guère plus, je la libérai dans mon studio, sur le futon, devant un somptueux monticule de croquettes accompagnées d'un grand bol d'eau fraîche. Puis m'allongeant lentement en face d'elle :
- Mange, ma jolie !
Objectivement ? Non, elle ne mangea pas ! Elle se métamorphosa instantanément en aspirateur à croquettes, aspirateur doté du débit d'un appareil de gamme industrielle ! Elle me délivra véritablement l'impression de jeter la totalité de ses dernières forces dans cet acte, comme si sa vie en dépendait, à la fraction de seconde près. 
- Depuis combien de temps n'as-t-elle pas mangé à sa faim, la pauvre ? me questionnai-je en la caressant.
Son dos dont je devinais les moindres os s'arrondit instantanément sous la paume de ma main, mais la tête, elle, aimantée par les croquettes ne frémit pas d'un pouce ! Miss Doudou demeura imperturbablement dans cette position jusqu'à ce qu'elle fût enfin rassasiée. A cet instant, elle se redressa d'un coup, me jeta un bref coup d'oeil puis, sans autre forme de considération, jeta son dévolu sur le récipient d'eau placé légèrement sur sa droite. Je crois que je n'éxagère pas en affirmant qu'elle consacra autant de temps à se désaltérer qu'à se restaurer ! Son festin achevé, elle navigua brièvement dans l'appartement, repéra la litière, revint me concéder deux ou trois coups de têtes avant de s'affaisser un peu plus loin sur la chaise de mon bureau. Il était temps pour elle de s'offrir un peu de repos, loin des périls de la rue.

 

    Miss Doudou et moi (II)


17/06/2022
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